Le rocher de sisyphe, une injonction de choisir le sens…

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Par Camille Loty Malebranche

Mardi 29 novembre 2022 ((rezonodwes.com))–

Chaque interprète aura nécessairement sa propre perception du rocher de Sisyphe. Après tout, un mythe – surtout le grand mythe anthropologique qui met l’homme et sa vérité en scène – par delà ce qu’il traduit comme imaginaire collectif et civilisationnel, est ce que le lecteur herméneute y voit en le lui apposant selon ses affects interprétatifs, sa représentation critique, sa sensibilité plurale.

Pour l’herméneute, le mythe est en quelque sorte son texte selon sa préhension, d’où l’explication de certains mythes peut être aussi plurielle que la somme des regards et consciences qui les considèrent et leur impriment signes et significations d’après les codes et repères lecturiels qu’utilisent ces regards et consciences. Pour moi, sisyphe est la banalité même de la posture de tout humain face au fardeau du sens: celui de la présence de l’homme au monde et celui des situations à signifier et des actes à poser de par la signification. Car le rocher est universellement humain puisque personne n’en échappe, le rouler ressemble à nos jours de vie que nous prête le divin Créateur mais que nous sommes sommés de gérer dans leur caractéristique situationnelle, selon notre stade du sens. Le rocher est un agrégat de prédétermination et d’imprévisible, de pérenne et de bouleversements situationnels qui nous poussent à le rouler chaque jour vers les sommets de notre intellection mue par nos acquis ontologiques, nos inaptitudes charnelles ou nos lumières spirituelles sous la dictée divine. Le rocher est un mais la montagne est multiple. Chaque jour, chaque situation nous fait partir vers le sommet de notre humanité à accomplir car chaque situation nous interpelle et par la pensée et l’action par quoi s’exprime notre stade spirituel, notre niveau de conscience, nous ne sommes pas des sisyphes mais des conquérants d’humanité ou des errants déchus. Tout se joue dans le rapport au sommet, c’est lui qui fait monter vers le haut, où le rocher qu’est le combat du sens et du salut atteint le pinacle en Dieu, ou, au contraire, le fait dévaler dans les abysses et la déchéance. Tout est là, la vie est soit un cheminement, parfois à travers la nuit épaisse, certain dans l’accomplissement en Dieu, soit la déviance dans le monde et son illusion, la finitude et son absurdité existentielle. L’homme dans sa route, homo viator, est le contraire de sisyphe malgré le rocher, car il est souverain assumateur du sens qu’il vivra selon son choix spirituel de la foi comme voie de l’entéléchie ou selon son abandon à l’esclavage du charnel psychologique, auquel cas, il détermine son rocher comme déréliction et échec.

Le rocher, les faits à vivre dans la quotidienneté, nous est donné pour nous faire collaborateur de notre rédemption en Yahvé. Cette rédemption réalisée par le Christ, l’homme du sens par excellence qui a vaincu l’absurdité adamique c’est-à-dire la déroute spirituelle de notre humanité prise aux herses illusoires de sa matérialité somatique et de celle de l’univers physique. Le Christ Jésus, incarne donc le Sens de l’humain, étant le premier né de la mort qui est précisément l’abîme de l’absurde dressé contre la part de transcendance immanente à toute conscience humaine. C’est le sens de cette transcendance que le Christ montre à l’humanité en ressuscitant d’entre les morts. La résurrection – cette extase de la vie de l’esprit croyant doté de l’éternité divine – est la double fin du rocher en tant que disparition de toute damnation et en tant que but enfin révélé de toutes les fatigues, de tous les recommencements quotidiens parfois si apparemment lourds de non sens !  En vainquant la vacuité de sens qu’imposait la mort, Jésus ressuscité nous dit que l’homme de l’esprit triomphe à travers l’ordre christique tel que Dieu l’a planifié.

Nous sommes tous derrière le rocher, il y a ceux, innombrables qu’il écrase de son faix parce que leur conscience sans foi en Dieu, n’y fait face que par l’absurde où ils substituent toutes sortes d’ersatz pour en échapper. Ceux-là sont les déviés littéralement insensés qui ne prêtent aucune attention à l’appel intérieur et intuitif de l’esprit pour recevoir les promesses de la révélation divine. Il y a aussi, heureusement pour l’humanité, les quelques hyperconscients qui savent par nyctalopie spirituelle, voir au-delà du rocher où transparaît la promesse divine du salut au-dessus des opacités des nuits qui perdurent et semblent exiler à jamais le soleil du sens dans un monde perdu à la vérité et à l’espérance. Pour ces croyants, les jours eux-mêmes revêtent le charme de la divine présence qui, par son Paraclet, en Esprit et en Vérité, mène les siens vers les pâturages verdoyants de la rédemption. Pour ceux qui sont sauvés ainsi dans le Dieu Créateur et Sauveur, les jours difficiles comme les temps de joie et de bombance jouissive, sont autant de montagnes du sens gravies au nom de Dieu vers l’entéléchie de leur être-esprit par delà la chair et le sang! 

L’homme spirituel dépasse l’archétype du damné qu’est sisyphe. Il sait que ce monde est le lieu des tentations du faux dépassement et des ersatz de transcendance. L’homme spirituel tient Dieu comme la voie, la lumière et l’horizon de son parcours!

L’homme spirituel refuse tout dépassement que corrompt la finitude du monde!

Hommes de Vérité, homo viator conscient de votre essence transcendante, rejetez les appels des bas-fonds et obstacles qui jonchent la route du voyage, prenez toujours garde que votre montagne ne soit qu’un mirage des monceaux de sable du désert; Veillez pour que votre sommet ne soit pas qu’une trappe sur l’abîme!

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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