Flashback – 1981. PEPADEP|Coup fatal à la classe paysanne : Jean-Claude Duvalier distribue seulement $7 millions des $25M reçus pour le programme d’abattage de ‘kochon kreyòl’

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PEPADEP : 40 pou Gwo, 20 pou Mwayèn, 5 pou Piti

par Dr. Bobb Q Rousseau

De 1982 à 1988, le cheptel porcin haïtien, qui était fort de 3 millions de cochons créoles, n’a pas été décimé par la peste porcine africaine comme voulait le faire comprendre la communauté internationale, mais par une politique destructrice des Etats-Unis, du Canada et du Mexique pour contrôler le marché de la production de la viande de cochon dans la Caraïbes, affaiblir la capacité économique du paysan haïtien et détruire la production nationale.

Port-au-Prince, mercredi 2 juillet 2021 ((rezonodwes.com))– « 40 pou gwo, 20 pou mwayèn, 5 pou piti » n’était pas une formule mathématique de distribution juste et équitable des richesses du pays. Elle était plutôt un programme d’Eradication de la Peste Porcine Africaine et pour le Développement de l’Elevage Porcin (PEPADEP), lancé en 1981 en Haïti, à travers lequel les gouvernements des Etats-Unis, du Mexique et du Canada, avec la complicité du gouvernement haïtien, ont accusé 1.650.000 cochons haïtiens (cochon créoles) d’être atteints ou à risque d’être atteints d’une maladie incurable dénommée « peste porcine africaine » en vue de les massacrer et les remplacer ensuite par des porcs étrangers (cochons plances ou cochons grimèl). Comme l’a mentionné William (2010), le but principal du PEPADEP était de dépeupler l’élevage haïtien de ses cochons créoles et de le repeupler avec des cochons étrangers inadaptés à l’écologie haïtienne et dont les soins routines en coûtèrent une fortune. 

Ces gouvernements ont investi $25M vers le programme pour dédommager les paysans qui ont vendu leurs bétails à l’Etat Haïtien aux prix dérisoires de $40 pour les gros cochons, $20 pour les moyens et $5 pour les petits, quoique ces cochons valaient plus que $200 (Haitian Hell, 1985). Seulement $7M de ces $25M ont été distribués aux paysans ; le reste a été encaissé par le gouvernement et des familles de l’élite haïtienne (Ebert, 2012).

Selon des recherches effectuées par le Plum Island Disease Center (PIDC) ; un laboratoire américain, les cochons haïtiens étaient à risque d’être atteints de la peste porcine africaine qui était, à cette même époque, en train de décimer le cheptel porcin dominicain (Elbert, 2012). William (2010) a rapporté que des études du PIDC ont conclu que la peste porcine africaine laissa la frontière haïtiano-dominicaine et s’installa en Haïti où elle a déjà atteinte et tuée un nombre incalculable de cochons créoles. Sous la pression de la FAO, l’USAID, l’USDA et l’ICA, le gouvernement haïtien a déclaré un état d’urgence pour ordonner le massacre de 100.000 porcs au long des communes composant la partie Est du pays.

Selon des sources officieuses, l’USAID a dépensé $850.000 pour dédommager les propriétaires frontaliers, mais les victimes n’ont jamais vu un centime de ce fonds. A travers les ondes des stations de radio de Port-au-Prince et sur les chaines de la Télévision Nationale d’Haïti, PEPADEP promouvait clairement que tous les cochons créoles allaient être atteints de la peste porcine et que s’ils ne sont pas massacrés avant qu’ils deviennent malades, tous les Haïtiens allaient attrapés cette même maladie et, ultimement, allaient être tous morts subitement. Ce programme conseillait en outre aux Haïtiens de s’abstenir de consommer la viande du cochon que ce cochon soit en santé, malade ou mort. Ainsi, les propriétaires de cochons créoles ont sacrifié leur épargne pour sauver le pays.

Quoique la peste porcine n’a jamais officiellement été détectée en Haïti et quoique d’autres études parallèles aient clairement démontré que la mort subite des 600.000 cochons créoles était plutôt liée à une détérioration de l’environnement haïtien, PEPADEP a continué avec le massacre de 400 000 cochons et ont emporté des cochons étrangers en Haïti. Pour recevoir un cochon grimèl du gouvernement, le paysan devrait montrer qu’il était financièrement incapable d’acheter un cochon et qu’il s’engagerait à nourrir ce bétail que des rations déjà approuvées par le programme (Daulphin, 1995).  

Avant même de recevoir le nouveau cochon, le paysan était requis de construire un enclos pour garantir que les porcs n’auraient pas accès aux déchets humains ou à toutes ces rations qui laissaient voir que les cochons créoles vivaient dans des écuries tant qu’ils étaient gros et puissants. PEPADEP a été un désastre total pour l’économie paysanne au sens que le cochon était la source de revenu la plus sure du paysan victime malheureuse d’un projet « d’aide » imposé par des agences étrangères en collaboration avec son propre gouvernement. Les cochons créoles n’étaient pas remplacés avec leurs équivalents en matière de production, d’entretien et de revenus. Les cochons grimèl n’ont pas tenu la promesse de leur capacité de production de 9,5 porcelets par portée deux fois par an en moyenne (Haitian Hell, 1985). Tel remplacement incomparable et infructueux, qui a commencé en Avril 1984, a créé un écart systématique et déséquilibré dans les revenus déjà précaires du petit éleveur.

PEPADEP a entraîné la ruine du paysan, la disparation du cochon créole et laissant ainsi le marché du porc aux riches Haïtiens et aux sociétés américaines représentées en Haïti par l’HAMPCO. Avec une perte de plus d’un million de cochons créoles, PEPADEP montre qu’il existe une tradition de manque de vision économique et de responsabilité politique des leaders locaux et étrangers vis à vis de la production nationale.

Au lieu de renforcer la flore haïtienne pour la permettre de nourrir la faune haïtienne, nos gouvernements décident toujours de travailler contre leurs propres fils et filles, donnant ainsi à la communauté internationale pleine autorité de tisser des programmes qui affaiblissent et traînent le fermier vers la décrépitude économique totale sans espoir de recouvrir ce qu’il perd auparavant.

Le programme n’a pas seulement décimé le cheptel porcin haïtien ; il a aussi détruit l’agriculture haïtienne qui a aussi vu la disparition de son café, son coton, sa canne à sucre, sa banane, ses cocotiers et son industrie avicole (Ebert, 2012). Les cochons grimèl ont détruit des insectes qui facilitaient la croissance de plantes et d’animaux de l’écologie haïtienne (Toussaint 1988 ; William, 2010).

Bobb RJJF Rousseau, PhD
Public Policy and Administration
www.duhaiti.centerwww.bobbrousseau.info

Sources

Dauphin, G. (1995). Alimentation des porcs, Aquin /Salagnac

Ebert, A. (2012). Porkbarreling pigs in Haiti: North American « Swine Aid » an economic disaster for Haitian peasants. Retrouvé sur http://elsie-news.over-blog.com/article-1981-elimination-des-cochons-creoles-en-haiti-organisee-par-le-canada-le-usa-et-le-mexique-112642022.html

Haitian Hell (1985). Multinational monitor for the Washington on Haiti, Vol. 6 No. 10

Toussaint, J. (1998). Convention de repeuplement porcin rustique No 058/cd/90. France Haïti Interview informelle avec les hauts cadres actuels du MARNDR

William, M. (2010). Toute la vérité sur le massacre du cochon créole. Le NouvellisteBobb RJJF Rousseau, PhD
Public Policy and Administration
www.duhaiti.centerwww.bobbrousseau.info

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