Une « aire protégée » sans aucune protection à Pestel

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par James St-Germain

Lundi 2 août 2021 ((rezonodwes.com))–

Un arrêté présidentiel publié en 2017 classe Pestel sur la carte des aires protégées de la République d’Haïti. Par aires protégées, on entend à la fois des lieux aménagés pour le loisir, l’écotourisme, le tourisme de découverte ou de la recherche, et des endroits à même de grossir la caisse de l’administration locale en vue de répondre à certains besoins de la communauté. À cet égard, l’État se fait l’obligation de contrôle sur les constructions dans ces endroits voire l’exploitation des ressources qu’ils en disposent. 

Jovenel Moïse, dans les colonnes « Le Moniteur » au numéro 55 du vendredi sept avril 2017, a déclaré aire protégée tout l’espace géographique compris entre la Péninsule des Baradères et la Baie des Cayemittes.

Cette décision résulte de la portée de biodiversité de la zone.

Suivant la délimitation définie par cet arrêté, au complexe Baradères-Cayemittes on retrouve Grand Boucan, Pestel, Baradères, Corail et les Cayemittes. Ainsi, cette décision est-elle animée par l’idée de protéger les espèces endémiques marines et terrestres menacées au niveau de ces cinq communes. 

À reprendre Planète protégée via Wikipédia, une aire protégée est « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridiques ou autres, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature et des services écosystémiques et des valeurs culturelles qui lui sont associés » [1]. Cela dit, la conservation de la nature implique l’adoption des mesures en vertu des actions visant à protéger la structure, les fonctions et la diversité des systèmes naturels dont toute l’humanité dépend [2].

Partant de 2017 jusqu’à date, le constat est tout à fait diffèrent au niveau de la commune de Pestel et pour tout le complexe en général….

Force est de constater qu’aucune  mesure de grande envergure n’est jusque-là prise pour assurer la protection contre toute mise en valeur non respectueuse de son environnement, selon ce qu’indique l’arrêté présidentiel en question. Les pêches irrationnelles, la coupe à outrance des mangroves ou de tout autre arbre, l’exploitation anarchique des mines se poursuivent sous les yeux de l’État haïtien. Pire encore, le complexe est laissé pour compte depuis la fin du projet ABE [3]. À défaut d’un acteur s’occupant de l’espace, la protection paraît beaucoup plus hypothétique que garantie. 
Comment arriver à garantir alors  une telle protection ? Voilà la question qui importe beaucoup pour nous dans cette réflexion. 

À cette question, nous pensons que l’État a besoin d’organiser des activités qui soient capables de porter les gens à changer de comportement face à la nature. Des décisions impopulaires telles que l’interdiction de construire anarchiquement, l’interdiction du braconnage doivent être envisagées. Mais qui a cette responsabilité ? C’est en tout cas la grande question à laquelle on n’a pas vraiment la réponse. 

Or, en son Article 8, il est clairement dit qui a cette responsabilité et comment on doit procéder pour assurer sa gestion. On lit « Les terres du domaine privé de l’état incluses dans l’ensemble de l’aire protégée de Ressources naturelles gérées de Baradères-Cayemites ne peuvent être cédées par la Direction générale des Impôts à quelque titre que ce soit. Toute intervention sur ces terres et tout usage de celles-ci doivent être soumis à l’approbation du ministère de )’Environnement et faire l’objet  d’un contrôle strict par cette institution. Les propriétés privées incluses dans l’ensemble de l’aire protégée sont reconnues comme telles et resteront en toute propriété aux mains de leurs propriétaires« .  Pourtant, tout se fait encore sous les yeux complices de nos dirigeants. Quels en sont les obstacles ? Les enjeux ? Les défis ? Est-ce la politique ou le manque de volonté ou de moyens ? 

Par rapport à cela, je me pose ces questions. Qui a la responsabilité d’administrer le complexe Baradères Cayemittes depuis le retrait de PNUD? À quels projets viables faut-il s’y attendre ? Quels sont les mécanismes définis pour une meilleure gestion? Tant qu’on n’a pas des réponses à de telles questions, l’équation ce que l’on projette de faire ne sera jamais une suite logique de ce que l’on fera réellement. 

Et si dire ce qu’on va faire et réaliser ce que l’on projette de faire demeuraient en Haïti un binôme dont l’une était la suite de l’autre, alors une telle équation aurait déjà sa réponse dans ce  cas évoqué. Déclarer la commune de Pestel aire protégée sans se soucier d’elle n’est pas la plus grande action qui aurait été posée. Elle l’aurait été si on aurait pris toutes les dispositions pour l’administrer en tant que telle. 

Rendre disponible une équipe de surveillance pour veiller l’aire protégée de Pestel; organiser des activités dans ses couloirs écologiques à même de rapporter de l’argent; offrir d’autres alternatives aux personnes vivant essentiellement du charbon ou de la pêche quotidienne, ce sont en tout cas autant d’éléments qu’il faut à prendre en considération si l’on veut la considérer à sa juste valeur. Dans le cas contraire, elle demeure une aire protégée qui se dégrade au fur et à mesure. Ce sera une preuve tangible qui indique  que le pays n’est pas encore prêt à respecter les engagements pris à Rio de Janeiro ( Brésil) en 2012 lors de la Conférence des Nations Unies  sur l’environnement réédités plus  tard en France en décembre 2017.

De toute évidence, Pestel n’a pas encore le statut d’une aire protégée au regard de la définition adoptée par Planète protégée. Elle est encore loin et a encore des étapes à franchir si l’on veut la considérer à juste titre. Pour cela, on a besoin de crier au secours à l’État haïtien pour qu’il puisse respecter ses engagements. 

Lire aussi l’article : complexe Baradères-Cayemittes, quels en sont les enjeux et les défis (
https://rezonodwes.com/2018/07/02/complexe-baraderes-cayemittes-quels-en-sont-les-enjeux-defis-et-avantages/)

Notes de référence 

1.- Planète protégée, UICN et du PNUE.

2. https://www.environnement.gouv.qc.ca/biodiversite/aires_protegees/contexte/partie1.htm

3. Projet Adaptation Basée sur l’Écosystème exécuté par le PNUD au niveau du complexe Baradères-Cayemittes (2016_2020). 

James St GERMAIN 

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