Dé-Lier les structures de la barbarie

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PAR ERNO RENONCOURT

Prendre les structures sociales comme concept abstrait pour objectiver le système à combattre est handicapant. Cela empêche de voir les liaisons qui stabilisent les structures autour de la Société par des Organisations visant des Intérêts et mettant en œuvre des Stratégies déclinées en Objectifs par et pour des Individus. C’est donc autour des individus qu’il faut revaloriser les structures.

Jeudi 25 mars 2021 ((rezonodwes.com))– Récemment,  j’ai eu le courage de dire que les gangs de rue n’étaient que la partie visible de l’iceberg de la criminalité et de la défaillance institutionnelle qui emportaient Haïti dans cette instabilité cyclique faisant sa réputation de shithole. J’avais montré aussi que cette instabilité, par les corollaires d’impunité et de médiocrité qu’elle induisait, contribuait à éroder la conscience collective, par des insignifiances culturelles et des postures professionnelles médiocres, pour  étouffer la résistance collective en poussant la population vers une impuissance toujours plus grande et vers un total abandon des territoires de la citoyenneté. J’avais tenté d’indiquer qu’il ne s’agissait plus de dénoncer les structures politiques, mais qu’il fallait épingler les acteurs qui agissaient au nom de leurs stratégies personnelles pour entretenir ce climat. J’ai ainsi postulé qu’une prospective éthique pourrait aider, sur le long terme, à récupérer ces territoires de la citoyenneté pour lancer la grande résistance contre les forces de management et de support de cette indigence.  On m’a envoyé  lire les structuralistes, notamment Marx et Durkheim, comme si je les avais pas lu ou pas compris. Quelle misère de la militance !

 Et oui, misère de la militance et aussi de la culture, car ce renvoi à ces références sacrées et consacrées m’a fait sourire, puisqu’il me ramène à la réalité de mon expérience d’apprentissage. Dans mon parcours, chaque fois que j’essaye de donner du sens au savoir théorique, formalisé dans les livres, pour projeter leurs énoncés généraux sur le domaine réel des dysfonctionnements de mon Contexte problématique pour aller au Contact de l’Authentique pour des Solutions Innovantes par une démarche de CAS,  des professeurs, des censeurs me disaient que c’était du folklore. Pourquoi ?  Ce n’est pas dans les livres. Ainsi, j’ai regardé briller ceux et celles dont la mémoire permettait de conserver et de restituer textuellement ce qui était dans les livres. On n’a jamais cherché à problématiser, à contextualiser et à s’approprier ces savoirs pour l’action concrète. Et on s’étonne que depuis deux siècles, malgré nos génies innombrables, nos talents multiples, nous errons dans l’obscurité sans pouvoir trouver la sortie. Malicieux comme des marrons de l’indignité, nous avons préféré ériger un modèle de réussite sur les défaillances au lieu d’apprendre à les résoudre.

 Comme j’ai décelé très tôt cette faille d’apprentissage dans la culture haïtienne, j’ai essayé d’en faire le thème de mes dénonciations. Mais, sans doute, par maladresse le bruit qui les a noyé ce message l’a rendu inaudible. Alors, j’ai profité de l’engourdissement collectif, pour me faufiler sur la scène du spectacle de la comédie des ratés. Là, je me suis mis à marcher pour simuler la danse du CAS comme une invitation à trouver en soi le Courage de l’Authenticité pour d’autres Stratégies. J’ai voulu  montrer, par l’exemple, qu’il fallait, non pas, s’arrêter sur le concept ‘‘structure’’, comme une abstraction et une idéalisation du système, mais qu’il fallait éclater la structure pour trouver ses liaisons agissantes afin de les dé-lier pour mieux les relier au sens morinien du terme. Je l’ai sans doute fait maladroitement, avec colère, avec trop d’emportement en y laissant les ‘‘résidus émotionnels’’ prendre le dessus.  Mais là encore, au lieu de me proposer de rythmer le contre bas et le contre haut pour trouver la juste mélodie et taire les résidus, on m’a renvoyé dans mes retranchements : vous chantez faux et avec aigreur en plus ! Comme si ce que Marx disait à son époque était dans les livres. Comme si quand Marx parlait, à son époque, il n’était pas aussi rejeté et méprisé par les savants et les génies de son temps. Comme si Marx ne s’était pas aussi trompé dans ses analyses notamment en analysant les évènements de la commune de Paris. Comme si la vérité ne passait pas obligatoirement par des phases d’ombre et de lumière, des creux d’errance et des crêtes d’éloquence. Sans doute que les doctes savants du temps de Marx lui avaient aussi suggéré, en ce temps, d’aller lire Proudhon pour mieux comprendre La philosophie de la misère comme structure de base de l’économie. Fort heureusement, Marx avait aussi le sens de la dérision et de l’insolence pour y voir une Misère de la philosophie.  Enfin, c’est juste pour dire que c’est la même misère de la culture que je constate en Haïti

 Je regrette, mais je ne peux pas être sérieux trop longtemps. Car pour celui qui est léger, léger, et qui échappe à la pesanteur de la précarité, se rapprocher du feu est la seule ivresse (le mythe d’Icare). Oui, j’ai hurlé pour dire cette vérité sur l’inculture haïtienne.  Je n’aurais pas dû sans doute. J’aurais dû le dire autrement. Mais dans la foule de ceux que je provoque, il y a des pédagogues, des spécialistes de la culture, des poètes, des militants anarchistes, des progressistes, des gauchistes, des communistes….Mais, ils n’ont pas été nombreux à vouloir faire émerger, de la cendre de la colère, l’étincelle de l’insolence qui scintillait pour dire quelque chose de plus profond. Pour certains, c’eut été me donner de l’importance. Alors, dans leur petit entre-soi, ils ont juste méprisé, insulté, ridiculisé. Et pourtant ce que je dis n’est pas si insensé.

 Étrangement, mes donneurs de leçon dispensent des cours qui parlent de l’éducation comme d’un processus inachevé contenant des « erreurs à assumer et à valoriser »  pour surmonter les obstacles. Pourtant, ce sont les mêmes qui écrivent de jolis romans pour revisiter les mythes des héros insulaires n’ayant que la rage de leurs colères et l’éloquence provenant de leurs tripes pour affronter la violence des institutions séculairement déshumanisantes. Pourtant, ce sont les mêmes qui se proposent de changer le système en prenant soin des victimes de l’injustice et de l’exclusion, mais ils n’ont pas la moindre empathie, la moindre disponibilité humaine pour comprendre que derrière des mots, dits avec imprudence par excès d’insolence, il pouvait y avoir des maux qui abiment de souffrance, des maux qui conduisent à l’errance. Ils n’ont pas eu la pédagogie de questionner avant de rejeter. Ils ont oublié d’appliquer les leçons qu’ils récitent si bien et qui sacralisent les guerriers de la lumière qui assument leurs « résidus émotionnels » sans jamais renoncer à la quête solitaire vers la victoire sur l’erreur Ils n’ont pas compris que pour affronter les maux qui poussent dans les retranchements du mépris et mettent des vies hors-jeu, certains se réfugieront toujours derrière des mots brulants qui sortent des lignes pour déborder la marge et affirmer leur ‘‘je’’. Décidément, la culture n’est pas que dans les livres, elle est aussi dans certains parcours de vie, et il faut une grande culture pour la découvrir.

 Il y en a qui ont pensé que mes provocations étaient gratuites et que je n’étais qu’en mal de considération. Ô misère de la psychologie ! Chacune de mes provocations m’a permis d’acter, par des stigmates, l’évidence de ces quantificateurs qui fondent la pertinence de ce que j’appelle l’indigence haïtienne : un mélange de Malice, d’Imposture, de Marronnage et d’Indignité qui font que ceux qui réussissent ont toujours un petit air de MIMI.

 Excusez-moi, je dévoile par anticipation la trame de mon récit sur l’indigence. En attendant de pouvoir le divulguer, j’aimerais encore redire qu’on ne peut pas s’arrêter à la structure. Celle-ci doit être déliée, dans ses processus, dans sa gouvernance, dans sa composition, dans ses outils de communication, dans son mécanisme de promotion de valeurs pour livrer la trame de ses articulations afin de repenser sa reliance avec des valeurs plus nobles. Et pour cela, il faut un modèle de CAS capable d’objectiver la tectonique qui fait mouvoir la structure : un CAS pour mettre en évidence le Contexte particulier d’Haïti (déshumanisation séculaire), les Acteurs particuliers qui interagissent (des êtres malicieux et des imposteurs à la conscience effondrée) et les Stratégies particulières qu’ils déploient pour leurs propres Succès personnels.

L’obsession de s’arrêter aux structures comme concept abstrait pour objectiver le système que l’on cherche à combattre peut empêcher de trouver les variables d’action capables d’offrir les leviers pour conduire le changement de manière authentique. Ainsi, tout en s’intéressant aux structures, il ne faut pas moins penser à les délier pour voir les articulations  qui les stabilisent dans la société à travers des stratégies offrant des intérêts à une catégorie d’individus. C’est donc autour des individus qu’il faut organiser la reliance pour donner de la valeur aux structures. Car ce sont les individus qui sont les gradients et les gardiens des  valeurs de ces structures. Une manière de dire que ce sont les individus qui font briller les structures par leurs propres valeurs et ce sont eux qui les défendent par leur intégrité et leur éthique de responsabilité. De sorte que sans individus de valeur, les structures seront toujours défaillantes. Pour preuve, toute la communauté des droits de l’hommiste haitiens, des juristes et des affairistes de la société civile avaient célébré en 2012 le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) comme structure garante de l’indépendance judiciaire …Mais, on y a mis en majorité des gens de même commerce, de même acabit que ceux des Villages de Dieu, et voici le résultat. Soit dit en passant, j’ai toujours trouvé un petit air de famille entre les gangs et certains membres du personnel judiciaire haïtien. Pour l’avoir dit tout haut, on m’a blacklisté des projets de la justice où j’apportais un éclairage analytique par la structuration des données. Mais le courage n’a jamais été exempt de sacrifice et j’assume les conséquences. C’est justement cela le propre d’un homme de valeur : oser dire le vrai sans penser à protéger ses intérêts mesquins.

 Ainsi, on ne peut pas parler de structure en Haïti, en voulant appliquer MARX et DURKHEIM à la réalité déshumanisante, sans tenir compte de cette spécification de CAS. Haïti a besoin de contextualisation et non de généralisation. C’est dommage que les adeptes haïtiens du structuralisme refusent de comprendre qu’une Structure n’est que l’institutionnalisation d’une Stratégie pour atteindre des Objectifs par et pour des Individus ( SOI)…De sorte que ce sera toujours sur SOI qu’il faudra se tourner pour trouver l’équilibre de la structure et en SOI qu’il faudra trouver les valeurs pour résister aux milles contraintes de la précarité. Car ce sont les individus qui sont les gradients et les gardiens des valeurs de la structure. S’il n’y avait pas des hommes et des femmes éthiques et courageux aux États-Unis, Trump aurait fait plier les structures a ses caprices. Et c’est en cela que l’éthique s’impose, dans le contexte haïtien, comme la compétence sur laquelle il faut miser pour redresser les consciences. Car quand un pays a subi 3 siècles de barbarie et 2 siècles d’indigence, il ne peut ni faire la révolution armée ni changer ses structures d’exploitation à travers quelques théories…aussi savantes soient-elles. Il faut d’abord remettre sur pied l’appareil de la conscience car il a est aujourd’hui effondré. Et pour cela chacun doit trouver le Courage de se laisser consumer par l’Authenticité pour aller vers le Sacrifice du sauvetage national. Encore un exemple de cas, cela devient, finalement, très structurant chez moi, malgré tout.

 En tout cas je vais profiter des conseils de mes amis marxistes et structuralistes pour un retour d’expérience sur la Commune de Paris afin de mieux contextualiser l’horreur et la barbarie en action quand un peuple se précipite vers la révolution sans préparation. Ceci dit, j’espère que vous saurez quelques-uns et quelques-unes à vous procurer les manuscrits sur l’axiomatique de l’Indigence, malgré les provocations et les colères que je n’ai pas toujours su maitriser par mes lacunes, mes faiblesses et mes errances. Peut-être  que si j’étais en un autre lieu, plus solidaire, plus humain, plus cultivé, mes dénonciations, malgré leurs spasmes virulents, auraient pris la forme d’un #MwenMenmTou  (version créole de #MeToo) pour aller vers une remise en cause profonde des structures familiales, culturelles, religieuses, éducatives, académiques, professionnelles, organisationnelles, sociales, politiques et enfin étatiques…..Mais, c’est plus valorisant de se projeter noir sur blanc dans le #MeToo occidental, sans le contextualiser sur leur propre domaine de violence et d’exclusion.

 Et, pour la route,  permettez-moi cette toute dernière provocation : Quand un parti politique comme le Rassemblement des Nationaux et Démocrates Progressistes (RDNP), du feu l’excellentissime universitaire Lesly François Manigat, sort de la gouvernance de la culture pour aller dans les rêves erratiques des jeux de hasard, n’en déplaise au Père Éternel, franchement, cela vaut le coup de brûler tous les diplômes disponibles dans ce pays pour voir plus clair dans l’enfumage qui obscurcit le shithole. Faut-il rappeler que les membres de ce parti sont des Sorbonnards et autres illustres universitaires qui ont étudié à l’étranger. Si cela ne révolte pas ceux qui ont été à l’école……..Je ne vois pas comment on peut demander mieux à Jovenel Moise et à Magalie Habitant.

 Enfin, dans mon intranquillité, je peux dire, je suis monté sur la scène, j’ai provoqué, j’ai bavé, mais je me suis amusé et surtout j’ai appris. Il est temps de codifier tout cela.

Jetez un œil sur cette vidéo en PJ : l’analyste dit exactement ce que j’avais écrit récemment : les gangs sont les bras armés du pouvoir et d’une partie du secteur privé haïtien. C’est là une vérité que seuls ceux qui sont en complicité avec les gangs peuvent taire. Et au fond, si cette information ne provoque pas une révolte collective, c’est par ce que toute la société haïtienne fonctionne aussi sur le même modèle des gangs.

 Vous verrez que le choix électoral de 2022 se fera entre l’héritier des Duvalier, le leader indétrônable du PHTK et le nouvel espoir de la jeunesse haïtienne cet héros humanitaire des bidonville. Et de brillants économistes modéliseront avec la Banque Mondiale pour l’heureux choisi des modèles de croissance économique et d’ambitieux projets de développement. De brillants analystes médiatiques diront que c’est le peuple qui ne sait pas voter. De grands éditorialistes reprocheront au peuple d’être les dindons de la farce pour ne pas avoir participé à la mascarade électorale…..et 5 ans plus tard, les mêmes viendront nus prédire des catastrophes apocalyptiques. Encore une fois, si cela ne révolte pas, c’est qu’il n’y a qu’indignité en ce lieu. Et chacun doit en tirer les conclusions qui s’imposent à sa conscience ou à son indigence.

Intranquillement vôtre

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