BIC s`ouvre à la francophonie

0
2464

BIC s’ouvre à la francophonie

 

BIC
BIC

© A. Baron

Sur son troisième album solo, Recto vèso, le chanteur haïtien BIC qui s’est vu décerner cette année le prix Visa pour la création de l’Institut Français, offre pour la première fois des textes en français, pour prouver que son message est universel. Rencontre avec RFI Musique.

Dans le studio de répétition avec ses musiciens et choristes, BIC parle et blague en créole. Sa langue maternelle, sa langue du cœur que tous les Haïtiens maitrisent. Mais son répertoire compte désormais quatre chansons en français ; Recto vèso, le titre même de son nouvel album reflète cette ouverture à l’autre langue officielle d’Haïti : « Recto » est écrit en français et « Vèso » en créole.

« Avec mes études en interprétariat bilingue, j’ai cette possibilité d’écrire en français et en anglais, mais le créole est la langue qui me permet de charrier mes pensées, tout ce que j’ai comme questionnements » explique BIC, Roosevelt Saillant de son vrai nom.

Une contribution au changement

Ambassadeur de l’Organisation Internationale de la Francophonie, il sait que les chanteurs se doivent d’être universels : « Certains problèmes ne concernent pas qu’Haïti. La faim, par exemple, est un problème mondial. Donc, ces nouveaux textes ont une portée universelle. Le titre Introspection, invite chacun à se regarder, à voir comment il peut essayer de changer le monde. Car il ne faut pas continuer à culpabiliser l’autre : il faut aussi regarder en vous et voir ce qui ne va pas. Et trouver ce qui peut être fait pour contribuer à ce changement dont on parle. » 

Avec Recto vèso, lui qui compte déjà plus de 10 ans de carrière derrière lui, prouve qu’il « n’a pas encore le syndrome de la page blanche. Le verbe est là, donc je continue à produire ». Son environnement, les incohérences du quotidien sont sa source d’inspiration. « Il y a des situations devant lesquelles je ne peux pas rester indifférent. Prenons l’exemple d’un jeune homme qui a fait beaucoup d’efforts, qui a eu son bac et continué ses études, mais qui, aujourd’hui, ne trouve pas de travail : on a l’impression que le pays n’est pas intéressé aux connaissances qu’il possède. »

Devant la scène musicale nationale dominée par les textes légers du style compas, avec ses éternelles histoires d’amour compliquées, BIC préfère lui, faire ce qu’il appelle de la musique consciente. « Ma colère sert une bonne cause : en Haïti, on a envie d’être un peuple qui vit. Mon intention est d’attirer le regard. Ce n’est pas de dénoncer X ou Y comme étant la cause des blocages. Il faut voir ensemble quelle proposition peut être formulée pour offrir une meilleure vie à tous les Haïtiens. »

Résidence à Paris

Lauréat du Visa pour la création de l’Institut français 2014, BIC a passé trois mois en résidence à la cité internationale des arts. C’est à Paris qu’il a écrit les textes de Recto vèso : « J’ai eu cette chance d’y côtoyer d’autres musiciens avec qui j’ai travaillé sur cet album : Fabien Suarez, percussionniste colombien, Eric Tinkerhess, violoncelliste américain ou encore Didier Awadi, Sénégalais avec qui j’ai chanté le titre On aura tout vu. C’était bien de partager avec les autres, voir comment ils comprennent la musique haïtienne ».

Une richesse, s’ouvrir sur l’international et toucher le marché francophone, est aussi pour BIC une nécessité, car la seule scène nationale est loin de suffire : « Quelque soit le travail que l’on fait en Haïti, on est confronté à des difficultés. C’est un pays qui a des problèmes dans tous les domaines. Mais c’est encore plus dur pour les artistes puisque jusqu’à aujourd’hui, la musique n’est pas considérée ici comme un métier. C’est pourquoi les chanteurs essaient d’intégrer un autre marché, à l’étranger, pour pouvoir vivre de leurs chansons. »

A Port-au-Prince, les disquaires officiels se comptent sur les doigts de la main et les copies pirates inondent les rues. La notion de respect du droit d’auteur est encore une utopie dans le pays où les scènes pour se produire sont aussi rares. « En Haïti, il n’y a pas de marché qui nous permet de vivre de nos œuvres. Je tourne au Canada, je vais souvent aussi aux États-Unis, en Europe, pour pouvoir rester vivant et continuer à faire de la musique. »

Avec une carrière à l’international, BIC n’est pour autant pas à classer dans la catégorie des artistes de la diaspora. Il vit en famille dans la capitale haïtienne. L’éloignement vécu avec ses trois mois de résidence en France lui a inspiré une de ses nouvelles chansons Loin : « C’est la première fois que je restais aussi loin de ma terre. Le mot ‘nostalgie’ n’a jamais trouvé tout son sens avant dans ma vie, » confie-t-il.

 Amélie Baron

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.