Discours prononcé par le Magistrat Ikenson Edumé lors des Obsèques de Mimose A. Janvier, juge à la Cour d’Appel de Port-au-Prince

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1998

Distingués célébrants et vice-célébrants ;
Représentant du conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ);
Représentant du ministre de la Justice et de la sécurité publique;
Honorables Magistrats des Cours et Tribunaux de la République ;
Mesdames/Messieurs les Représentants des syndicats et associations de Magistrats;
Membre de la famille éplorée;
Représentants des différentes institutions ecclésiastiques;
Mesdames/Messieurs en vos titres, grades, rangs, fonctions et qualités. 


Le 10 novembre 1970, le président de la République française s’est présenté à la télévision France Internationale (TF1) pour annoncer la mort du Général De Gaule. 

Dans son discours d’hommage, il eut à dire : « Françaises, Français, le Général De Gaule est mort, la France est veuve. 

Moi, en pareille circonstance, je dirais, pour paraphraser le président POMPIDOU, Élèves-magistrats et magistrates, magistrats debout et assis de tout rang et grade , Le juge Mimose A. JANVIER est morte la Magistrature haïtienne est orpheline. 

Mesdames/ Messieurs,

Nous voici réunis devant la dépouille d’une grande dame de la magistrature nationale : Magistrate Mimose A JANVIER. En effet, son heure est arrivée le 14 juin 2020, à un moment où personne ne s’y attendait. Son départ est une perte énorme pour la magistrature en lutte pour son relèvement, à un moment où la suspicion ébranle tous les fondements de la société, particulièrement la magistrature haïtienne. 

Juge JANVIER a intégré la magistrature par suite de sa formation initiale à l’école de la magistrature. Elle faisait partie de la première promotion 1997- 1998. Elle y a occupé les postes suivants : Juge de Paix, S/C près du tribunal de première de La Croix -des -Bourquets, Substitut de Commissaire du Gouvernement Près le Tri de Première Instance de Port-au-Prince,  Juge et Juge d’instruction au TPI de Port-au-Prince, avant de s’éteindre comme Juge de second degré officiant à la cour d’appel de Port-au-Prince.

Durant sa carrière de Magistrate, elle n’a cessé d’étonner par la rigueur de son jugement, la qualité de ses décisions, le respect de son serment et son engagement pour une magistrature lavée des souillures du quotidien et des procès d’intention dont elle traine derrière elle. 

Ainsi, elle a eu à diriger le CHAFEJ avec un talent exemplaire. On dirait un leader né. Mais hélas, elle s’en est allée sans avoir sans doute le temps de faire son au revoir. Ses amies et collègues de la cour d’appel de Port-au-Prince ne peuvent encore comprendre pourquoi, par ordre du ciel, une cruelle maladie enlève cette dame de nos tendres amours. 


Son ouverture aux autres, son honnêteté et son charisme lui ont valu d’être désignée « Membre d’une commission chargée de l’étude sur l’harmonisation d’un cursus unique pour la formation du droit en Haïti, créée par le JSSP/USAID, le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti et la Fédération des Barreaux dont j’ai été aussi membre. 

Juge Janvier a été l’un des rares Magistrats de la magistrature haïtienne à avoir suivi une formation spécialisée en crime économique et financier. Le RENAMAH qui fait un plaidoyer pour la spécialisation dans la magistrature haïtienne devient orphelin de l’un des fleurons de cette spécialisation. Ce départ sans doute précipité ne va pas affecter cette détermination. Au contraire, elle a vocation à stimuler les énergies au niveau du RENAMAH pour porter plus haut et plus vite l’idée de pôles de spécialisation dans la magistrature.

Juge Janvier est l’image du juge serein, au-dessus de la mêlée, la personne neutre, réfléchie qui écoute, prend conseil et délibère en cherchant toujours l’équilibre entre l’individu et la société et entre l’accusé et sa victime. Refusant toute velléité de transformer le pouvoir judiciaire en administration soumise, elle s’est toujours distinguée par son indépendance, son intégrité et sa loyauté. Elle a été de ceux qui refusent encore de souiller leur toque et/ou de l’échanger contre une quelconque potion d’indignité. Car durant sa carrière de magistrat, son style constituait un extrême réserve de comportement dans un environnement ou prévalait la décontraction et la corruption. Son parcours professionnel appartient donc à l’histoire et il me revient le droit de dire ce qu’il a fait pour Haïti, spécialement la magistrature haïtienne, ce singulier petit pays dixit Antenor Firmin . 

Mesdames/Messieurs, alors que son heure est arrivée et qu’elle s’en est allée, elle se réjouira de ce que nous portons haut le flambeau de la justice et de ce que nous réussirons à permettre un autre regard sur la justice.

Mesdames/Messieurs,

Cette heure de deuil pour la communauté des magistrats, inclinons-nous devant la douleur de son Mari, de son unique enfant et de ses parents. Mesurons le devoir que nous impose la reconnaissance. Essayons de n’êtes pas indignes aux différentes leçons chers élèves magistrats qu’elle vous a dispensées . Elle reste donc éternelle dans le cœur de chacun ici présent, spécialement aux membres du chapitre haïtien international des femmes juges (CHAIFEG). Elle disait donc toujours, qu’elle rend la justice aux magistrats et non aux politiques. 

Trois de cela, je l’ai rencontrée à l’hôtel Montana et elle m’avait dit ceci : Magistrat, j’ai lu un article de toi paru dans les colonnes du journal Le Nouvelliste, mon fils félicitations, car ton texte a une dimension académique et scientifique contemporaine. Croyez-moi, j’ai eu beaucoup plus de désir pour l’écriture juste parce que cette parole magique était sortie de la bouche d’une grande dame , d’une magistrate modèle, d’une immortelle et pétrie de savoir. Et, s’il fallait la caractériser, je disais qu’elle est parmi celles qui incarnaient l’idéal de la magistrature haïtienne du 20e siècle. Je dirais aussi qu’elle était une femme intellectuelle simple, modeste, humble, très analytique et visionnaire. Je dirais enfin qu’elle symbolisait la lutte pour l’émancipation des femmes au sein du système judiciaire haïtien . 


Mesdames/Messieurs 

Alors que son heure est arrivée et qu’elle s’en est allée, elle se réjouira de ce que nous portons haut le flambeau de la justice y de ce que nous réussirons à permettre un autre regard sur la justice . Ainsi, si après la destruction de la ville de Jérusalem, Néhémie a pris la courageuse décision de reconstruire le mur, ce matin je voudrais vous demander au jour des obsèques de cette vaillante magistrate: « Levez vous et bâtissons ce pays détruit et dévasté par des gangs armés éparpillés ça et là. Soyez donc des Apôtres pour l’indépendance de la justice ! Constituez -vous déjà comme les véritables piliers et moteurs à l’avènement de la prochaine transformation du système judiciaire.

Comme a dit l’autre : « Honorons comme nous pouvons les belles et courageuses têtes de ce pays »

Le Réseau national des Magistrats haïtiens (RENAMAH ) tient à préciser par mon organe en qualité de président, que magistrat JANVIER a fait partie d’un cercle très fermé ou vertueux de rares Magistrats, à l’instar de ou à l’image de Ertha Pascal Trouillot, à faire honneur à la magistrature haïtienne.

Pourquoi, s’il m’était permis, je lui aurais attribué, à titre posthume bien sûr, en témoigne de son engagement total pour une Magistrature plus performante, et en hommage à l’estime, à la valeur qui lui est incontestablement reconnue, le titre de « Honoris Causa »

Magistrat JANVIER, 
Paix à ton cerveau et à ton âme !
« Vanitas vanitatum, omnia va ira un »
Mag Ikenson EDUMÉ 
Président du réseau national des Magistrats haïtiens (RENAMAH)!

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