La MAGIE de l’IMAGE

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Raconte-moi les musiques que tu écoutes, les films que tu visionnes, les livres que tu consultes, les personnalités que tu fréquentes, les professeurs qui t’enseignent, les leaders qui te gouvernent ; et je te dirai qui tu es.

Jeudi 28 mai 2020 ((rezonodwes.com))– Les fréquentations, compagnies, appartenances, images, pensées, réflexions et les actions auxquelles l’être humain est exposé, sont essentielles dans la construction de sa personnalité. C’est en regard de ce constat que le psychanalyste français, Jacques Lacan, préconise : “Le moi se construit à l’image du semblable.”

Sur ce même angle, les économistes interpellent la notion d’effets d’imitation pour analyser les réponses impulsives ou réfléchies des groupes de consommateurs-suiveurs par rapport à des consommateurs-leaders qui influencent la demande dans une direction ou l’autre. Les psychanalystes pour leur part utilisent des techniques de visualisation et d’imagerie mentale, la méditation, l’hypnose, pour aiguiser la confiance en soi et orienter les esprits vers des succès escomptés.

Vous imaginez, un maillot porté par Messi ne vaut plus 100 dollars ; un ballon de basketball entre les mains de Jordan prend de la valeur et ferait l’objet de vente aux enchères. Un livre n’est plus qu’une question de lettres et de mots harmonieusement combinés s’il a été feuilleté des mystérieux doigts de Dany Laferrière, de Joseph Stiglitz ou de Jhon Maxwell. Les raquettes tenues des mains bénies de Nahomie Osaka, Serena Williams, Nadal et Federer, sont devenues des objets d’arts à conserver dans les musés sportifs. Un amphithéâtre qui accueille Barak Obama comme conférencier ne loupera jamais de rendre un tel évènement célèbre dans la mémoire des étudiants, professeurs et téléspectateurs.

Voilà pourquoi le Nike, l’Adidas, Gucci, Armani, les grandes marques du sport, de l’esthétique et de la cosmétique se battent toujours pour voir leurs produits accolés aux corps des célèbres artistes et des figures sportives d’exception à l’image de Messi, Christiano, Tasha Cobbs, Beyonce, DiCaprio, Ranaldhinho, Nahomie, Serena, Federer, Nadal, Usain Bolt, Stephen Curry, Lebron James, etc.

Les nobles institutions internationales telles que l’Unicef, l’ONU et l’Unesco font également véhiculer leurs messages de paix, de justice et de culture d’excellence par le canal de ces modèles de courage, de discipline et de succès incontestables.

L’homme est le reflet de ses pensées

Le cerveau est un récepteur fidèle des œuvres explorées et des pensées reçues. Les histoires fascinantes racontées incessamment aux enfants feront pondre des œufs dans leur subconscient qui ne peineront pas à s’éclore aux plus prochaines opportunités.

Etant enfant, je me rappelle qu’après chaque vendredi 13 devant le petit écran, des cauchemars – se concluant certaines fois en des sursauts de réveil au fond de la nuit, empoisonnant tout un sommeil- s’ensuivaient comme si Freddy ou Chocky allaient nous emmener dans des cimetières réels pour nous anéantir. A contrario, les «Dix commandements » du Vendredi Saint, avec le libérateur Moïse, nous invitaient à la bravoure, au sens du dépouillement, de la dignité, de la justice et de l’obéissance à Dieu.

Les feuilletons romantiques nous évadaient vers des illusions jouissives. Les longs métrages tragiques et dramatiques nous faisaient couler des larmes sincères. Car les histoires imaginaires ou réelles qui nous étaient racontées via les petits écrans, dans les livres, par des amis ou la famille, ont été sauvegardées dans les fichiers de notre psychè, dans une pure sincérité.

À l’âge adulte, nous prenons certains reculs par rapport à nos lectures, aux films que nous regardons et aux récits qui nous sont dits. Mais, toujours est-il que des dépôts sont effectués dans notre subconscient pour façonner nos actions et nos pensées dans un sens ou dans l’autre.

Pareille observation est décrite par la théorie de la fenêtre brisée «Broken Window Effect» enfantée en 1982 par les chercheurs Américains, James Q. Wilson et George L. Kelling, qui explique la fragilité des sociétés qui prêtent le flanc à des légèretés, des incivilités et des actes criminels. Une seule fenêtre brisée incite à la multiplication des fissures et des cassures du tissu social. Dans le sens inverse, les expériences remarquables, empreintes de courage et d’exquisité, aromatisent les milieux ambiants et activent les incitations à répliquer et propager les mêmes exercices pour cheminer sur le sentier de l’excellence.

C’est ce qui explique que les grandes nations se battent avec farouche pour capter et fidéliser les meilleurs esprits, peu importe leur provenance. Car, elles visent l’objectif sacré de stimuler leurs progénitures à emboiter le pas aux « Best Practice » incarnées en de telles âmes influentes. A titre d’exemple, remarquez que de nombreux acteurs de la Hollywood sont de souche européenne, africaine, asiatique. La France a décroché son titre de champion du monde de football avec une équipe composée de très peu de français pure laine.

Les immenses bénéfices du bon exemple

Dany Laferrière – extraordinaire figure littéraire mondiale, un immortel assis au deuxième fauteuil de l’Académie française, celui qu’occupaient Montesquieu et Alexandre Dumas Fils – aurait pu orienter des centaines de nos enfants et nos jeunes vers d’intenses pratiques littéraires et culturelles. Des myriades d’écrivains haïtiens auraient pu s’éclore si Haïti savait que ce sont de telles personnalités que l’on nomme avec fierté ambassadeurs de la jeunesse et de la culture.

Le Canada a reconnu en Samuel Pierre, un érudit de la science. De nombreuses médailles d’honneurs ont été décernées à cette figure de l’Ecole Polytechnique de Montréal. Pourtant, à peine si les ingénieurs et aspirants ingénieurs haïtiens connaissent l’existence de cette icône. L’une des rares spécialistes dans les domaines de l’Oncologie et l’hématologie, Shella Saint-Fleur Lominy, professeure et chercheure à l’université de New-York, est une sommité dans le domaine médical au niveau international. Haïti devait faire appel à l’expertise éprouvée de cette chercheuse chevronnée en ce contexte de panique de la Covid-19. Dommage !

Des millions de femmes pratiquent le tennis à travers le monde. A 22 ans seulement, Nahomie Osaka, l’une des nôtres, puisque ses gènes paternels sont de souche Jacmélienne. A déjà eu le privilège de s’asseoir sur le fauteuil numéro 1 de ce beau jeu lucratif. En outre, la championne témoigne un attachement viscéral avec la terre natale de son papa, Léonard François. Pourtant, Haïti n’y comprend rien.

En raison de la prévalence des forces des ténèbres qui se targuent d’exposer dans nos vitrines, les artistes Chawa-Pete et les imposteurs comme les références du pays, de telles personnalités sont tout bonnement occultées. Haïti ne sait jusqu’à présent comment profiter des images et réalisations de ses personnalités exceptionnelles.

Longue est la liste des personnalités haïtiennes à succès fou, qui seraient prêtes à contribuer substantiellement au développement de notre pays. Si Haïti avait compris ce qu’une image valait dans l’arène de la compétitivité internationale, elle aurait fait de ses dignes fils et filles des ambassadeurs, des motivateurs, des conférenciers et des formateurs pour inspirer les enfants et les jeunes sur le chemin de l’effort et du succès.

Il s’avère nécessaire de monter un projet de connexion entre les centaines de personnalités remarquables du terroir et de la diaspora en vue de constituer un bastion de plénipotentiaires aptes à vendre les images et défendre des projets d’envergures au profit du pays.

Le paradigme « Ouvè lespri » doit enfin supplanter celui de « Ouvè le kò ! » si on vise d’assurer le contrôle du sol, du sous-sol, de la mer et de notre espace entier, empreint d’une singularité climatique lui rendant ainsi attractif et merveilleux. Haïti doit emboiter le pas aux pratiques des pays émergents et développés en accordant une place princière au renforcement du capital humain, en campant en permanence des exemples notoires de succès.

« Instruis l’enfant selon la voie qu’il doit suivre; et quand il sera grand, il ne s’en détournera pas » Proverbe 22 v 6. Quel type d’image les dirigeants impriment-ils dans les esprits de nos enfants en Haïti ? Les recteurs d’université savent-ils inspirer le professorat et le décanat ? Les professeurs sont-ils des modèles pour les étudiants ? Les hommes et femmes de droit et de loi ne sont-ils pas ceux et celles qui violent le plus les principes de la justice ? Il faut stopper cette hémorragie. Une nouvelle direction s’impose !

Carly Dollin

carlydollin@gmail.com

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