La violence comme instrument de répression au sein du système politique haïtien

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par Jude Rosier

Mercredi 2 octobre 2019 ((rezonodwes.com))– La « violence » dans un contexte politique renvoie, selon Harold L. Nieburg (1927-2001), à « des actes de désorganisation, destruction, blessure, dont l’objet, le choix des cibles ou des victimes, les circonstances, l’exécution, et/ou les effets acquièrent une signification politique, c’est-à-dire tendent à modifier le comportement d’autrui dans une situation de marchandage qui a des conséquences sur le système social ». Autrement dit, la violence politique consiste à l’usage délibéré des instruments de répression sur les citoyens dans l’idée de satisfaire une ambition politique.

En effet, malgré les points de vue différents, la violence a toujours fait partie de la vie politique. Des auteurs des horizons divers comme Machiavel, Hobbes ou Weber nous aident à penser son importance dans le système politique encore aujourd’hui. Pour le premier, la menace ou l’usage effectif de la force est une ressource politique courante appliquée dans le processus de maintien du pouvoir. Le second, focalisant son attention sur la violence de tous contre tous et l’angoisse primordiale qu’elle fait surgir, considère l’ordre politique né du contrat social comme la réponse appropriée à ce défi permanent du chaos.

Quant à l’auteur d’Economie et Société, il érige le monopole tendanciel de la violence légitime en principal critère du pouvoir politique de nature étatique. En d’autres termes, ce qui caractérise le pouvoir c’est le monopole « légitime » et « légal » de la violence sur ses citoyens, c’est-à-dire le prétendu « droit » d’user de la violence sur ses sujets. C’est à ce point qu’il arrive que des gouvernements, dans un élan de conserver le pouvoir, peuvent s’arroger le droit de commettre des actes arbitraires et abusifs jusqu’à perpétrer des « crimes politiques » ou encore des « crimes d’État » sur une population.

Dans le système politique haïtien, la violence a toujours été considérée comme un outil de répression face à toute tentative de soulèvements populaires. Il semble qu’aucun gouvernement du pays ne s’en est dépassé. Ainsi, dans ce souci de pérennisation de cette culture de violence, le gouvernement actuel montre être prêt à tout pour conserver le pouvoir. Il tente par tous les moyens d’éteindre le feu des mouvements de protestation ou des revendications émanant de la population. Par conséquent, il utilise des formes diverses de violence parmi lesquelles nous pouvons identifier d’une part la violence physique, et d’autre part ce que Pierre Bourdieu (1930-2002) appelle la violence symbolique.

En effet, la violence physique se résume à une forme d’abus impliquant un contact physique causant des émotions telles que l’intimidation, des blessures ou autres souffrances physiques. A notre avis, c’est la forme de violence la plus appliquée par les dirigeants politiques du pays. Plus d’un parle quelque part d’une forme d’instrumentalisation des forces de l’ordre lors des mouvements de manifestation. D’ailleurs, il est fort de remarquer que, depuis les récents mouvements de protestation organisés à travers le pays, le rapport entre force de l’ordre et les manifestants semble être dégradé. De nombreuses interventions musclées, nous pouvons énumérer des nombres considérables de blessés, l’usage abusif du gaz lacrymogène, des cas de mutilation, des arrestations brutales et arbitraires et même des cas de meurtre. Même dépourvue parfois de buts partisans, cette violence ne reste pas en dehors du politique car elle est l’œuvre de membres de l’appareil d’État, ou même parfois perpétrée sous la complicité des acteurs politiques du pays.

Par ailleurs, tout porte à croire que l’Etat haïtien est le créateur de la crise économique actuelle du pays (violence économique) ; un procédé qui tente en tout cas à garder la population, du moins une partie de la population, dans un état de précarité énorme. Car, le fait de vivre dans des situations de pauvreté extrême incluant le chômage, l’indigence et la faim, cela peut engendrer de potentiels bandits particulièrement dans les quartiers populaires. Dès lors, l’acteur politique n’a qu’à se servir de ces bandits en les armant, finançant leurs projets et les entraînant dans des actes de banditisme et de terrorisme. C’est à partir de ce mécanisme que l’on peut énoncer la forme de violence symbolique du gouvernement.

En effet, contrairement à la violence physique, la violence symbolique n’est pas instantanément apparente. Tandis que la répression physique se donne à voir et à entendre, la violence symbolique reste subtile et toujours invisible. Il s’agit en effet d’un processus par lequel le sujet soumis devient complice de sa propre soumission ; ce qui engendrait par conséquent des effets de domination qui se traduisent empiriquement par un ensemble de gestes d’obéissance et d’acceptation. Autrement dit, la violence symbolique peut être considérée comme toute forme de contrôle social qui impose des opinions ou des comportements et qui perturbe une trajectoire sociale ou un cadre de vie.

Ce que nous appelons violence symbolique dans le contexte politique haïtien c’est l’ensemble de stratégies crapuleuses utilisées par le gouvernement dans le but de semer la peur collective au sein de la population. Cette dynamique révoltante est généralement initiée par des bandits armés dans les quartiers populaires qui, vivant en connivence avec l’Etat haïtien, terrorisent toute une population à travers des messages de propagande sur les réseaux sociaux, des défilés dans les rues, et des opérations criminelles comme la disparition, l’enlèvement, le kidnapping, le massacre afin de susciter un sentiment d’incertitude, de peur, d’angoisse au sein de la population. Ainsi, l’on constate toute une « culture de la peur » et de la « méfiance » s’est établi au niveau du système social et qui facilite le gouvernement dans sa démarche à imposer une situation de panique et à contrôler dès lors les comportements des citoyens.

Pour finir, aucune société ne peut éliminer complètement la violence car une telle prétention équivaut à souhaiter l’abolition de toute forme de conflit. Tout au contraire, il est aisé de montrer que la violence niche au cœur de la vie politique. Dans le système politique haïtien, cette violence politique est plutôt excessive et flagrante. Cependant, ce droit à la violence sur les corps des citoyens est justifié largement et curieusement par des hommes politiques, des médias et même des textes de loi, relatant parfois la logique de la préservation de l’ordre public ou encore le principe de « Raison d’Etat ».  Tout compte fait, il ne reste qu’à la population d’être vigilante face à toute forme de violence de l’Etat et continuer à lutter pour une amélioration des conditions de vie dans le pays.

Jude Rosier
jrosier@gmail.com

2 COMMENTS

  1. Yes you can politicize and philosophy and use any kind of words to defend police or people.
    But when you use your normal mind with morals then everyone should see that there is really something wrong and immoral in this country.
    And I don’t know what else to say
    I wish that all the people of Haiti including police go to the street and faith there fighting forever.
    And to knowing you that you are writing a history. And with this fight you are fighting against this global monster that persist in this world and this should be seen in the world.

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