La légalité de la preuve dans l’affaire Arnel Joseph-Gracia Delva : un potentiel instrument d’acquittement du Sénateur?

1
2627

La légalité de la preuve dans l’affaire Arnel JOSEPH/Gracia DELVA: un potentiel instrument  d’acquittement du Sénateur? La paresse du Parlement, la mauvaise foi d’un juge ou l’acte suicidaire d’un peuple? 
————————————————————

Dimanche 4 août 2019 ((rezonodwes.com))– Dans une société démocratique, le premier devoir de l’État est de garantir le droit à la sûreté des citoyens ( art. 7.1 Convention américaine des droits de l’homme). Le droit à la sûreté comprend deux volets: le droit à la sécurité des citoyens et celui à la liberté individuelle ( art. 7.1, op.cit.,.).

En effet, en ce qui concerne le droit à la sécurité, le droit pénal contemporain néglige la culpabilité pour s’intéresser  à la dangerosité et au risque des individus pour assurer la protection de l’ordre public. D’où l’existence de la procédure inquisitoire dans le cadre du procès répressif dans les systèmes de droit continental. En revanche, les mesures attentatoires à la liberté individuelle sont tellement courant que le législateur estime nécessaire de les encadrer par un certain nombre de garanties. Parmi ces garanties trouvent essentiellement la présomption d’innocence et les droits de la défense. 

Toutefois, seul le droit à la liberté individuelle sera analysé dans notre étude. 
D’emblée, il importe de rappeler que l’infraction est constituée par la réunion de trois éléments: légal, matériel, intentionnel. A défaut de l’un de ces éléments,l’incrimination manque à l’infraction même si le législateur prévoit la peine qui lui est applicable ( à rappeler que les deux aspects cumulatifs de l’infraction sont l’incrimination et la sanction pénale; alors si une loi prévoit exclusivement l’une d’entre elles, l’infraction n’est pas déterminée). 

Pour être concis, notre étude visera particulièrement la matérialité pénale de l’infraction, qui constitue un élément corollaire de la présomption d’innocence. De fait, la présomption d’innocence est le fait de considérer la personne mise en cause innocente jusqu’au jugement définitif des faits qui lui sont reprochés. Cela dit, la présomption d’innocence s’étend même aux fait pendants devant la Cour de cassation ( 8.2 Convention américaine des droits de l’homme).

En faisant grâce à certains détails, il est important de faire remarquer que le principe de la légalité est le prolongement du principe de la présomption d’innocence . Ce qui est confirmé par la juridiction régionale, Cour de San José, dans son arrêt CourIDH, 29 mai 2014, Série C 279, Norín Catrimáy otros (dirigentes, mienbros y activista del pueblo indígena Mapuche) c/ Chile). C’est dans ce contexte que le législateur haïtien s’aligne sur la thèse de Cesare Beccaria qui universalise depuis des siècles le principe de la légalité criminelle ( légalité des délits et des peines, essaie italien 1765 version française), et proclame à l’article 4 du Code pénal que la répression pénale doit être prévue par la loi. Dans ce même ordre d’idées, le législateur a institué le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale (art.4, CP). 

En l’espèce, le Sénateur DELVA aurait eu des échanges téléphoniques avec le présumé délinquant Arnel Joseph. Il aurait été reproché au Sénateur d’avoir participé à la séquestration contre rançon de l’un de ses voisins, dont l’auteur principal serait Monsieur JOSEPH. 

Serait-il possible de poursuivre le Sénateur de la République dans l’hypothèse de sa levée d’immunité? 

En fait, le Commissaire du Gouvernement a confié le déroulement de l’enquête pénale à la Direction Centrale de la police judiciaire, qui a auditionné le délinquant dans ses locaux( en principe il n’était pas en garde à vue puisqu’il était déjà détenu et est un évadé de prison). Mais là encore, le législateur continue dans sa paresse en n’instituant pas  jusqu’à présent le régime de la garde à vue et celui de la rétention). 

Sur la base de la cohérence pénale, le Commissaire du Gouvernement ne devrait pas avoir de difficultés pour faire suite favorable au rapport de la DCPJ en mettant en mouvement l’action publique à l’encontre des deux présumés délinquants, dont un parlementaire. Ainsi, le juge instructeur saisi sera tenu d’ouvrir une information judiciaire ( art.48 et s., CIC). 
Cette information judiciaire suffirait-elle pour découvrir la vérité judiciaire? 

Or, le législateur confine le juge instructeur à n’admettre que les preuves matérielles en matière d’instruction ( art. 73, CIC). À la lumière de cet article, seules les preuves de support matériel sont admises devant l’autorité judiciaire. Au vrai, cet article est maladroitement inspiré puisqu’au stade d’instruction seuls les indices suffisent pour former la conviction du magistrat instructeur. Mais bon, on finit par s’habituer avec notre fameux législateur. Et il peut s’inspirer  de l’arrêt Lobabax de la Cour de cassation française du 8 janvier 1979 relatif à l’admission de l’information sur un support matériel comme élément matériel. Cet arrêt est confirmé il y a deux ans par cette Haute juridiction en 2017(Cass crim 28 juin 2017 n° 16-81113).

Néanmoins, sur la base de la dangerosité et du risque d’insécurité, le juge d’instruction ne se heurterait pas à renvoyer les potentiels inculpés devant la juridiction criminelle dans son ordonnance de règlement ( ordonnance de clôture). 

Cette ordonnance de renvoi serait-elle pertinente pour aboutir à la condamnation du Sénateur? 

Il convient de songer à la légalité de la preuve qui est le prolongement de la présomption d’innocence. Il importe aussi de rappeler que les droits de la défense imposent  au juge judiciaire de bien assurer le respect du principe du contradictoire ( art.199 et s., CIC). C’est dire toutes les preuves doivent être à la portée des parties et débattues à l’audience criminelle. Ici, le juge judiciaire serait susceptible de confronter à de grosses difficultés qui le conduiraient, soit à être esclave de la dictature de l’article 4 du CP et de l’article 8.2 Convention américaine des droits de l’homme, soit à encourager la paresse des parlementaires qui négligent l’essentiel en matière de l’État de droit dans une société démocratique. Cela dit, il est évident que le législateur haïtien n’admet que la légalité de la preuve( art.73 CIC et art. 4 CP). 

En revanche, adopter une position inverse dans son appréciation des faits reprochés au Sénateur pour former son intime conviction conduirait le juge judiciaire à adopter un comportement subjectif; autrement dit il serait partial.  Car les appels téléphoniques, même avec des échanges délivrés par les compagnies téléphoniques, contreviennent à la volonté générale( volonté des citoyens), exprimée par notre législateur aux articles susmentionnés. Car elle ne sont pas en principe admises au procès pénal. Tout avocat pénaliste avisé devrait solliciter du juge leur nullité sur le fondement des articles 73 du CIC et de l’article 4 du CP relatifs à la légalité de la preuve, voire 8.2 de la Convention américaine des droits de l’homme ( ce qui est nettement différent de la licéité de la preuve qui sera développée dans un prochain article). Car la loi relative à l’admission des preuves électroniques dans le procès pénal a été votée par une seule branche du Parlement haïtien , ou du moins elle n’est jamais publiée. 

D’un autre côté, acquitter le Sénateur des faits reprochés risquerait de le faire passer pour le corrompu du siècle. Alors, des deux côtés le mal de est infini. 

Dans ce contexte, qui serait le vrai RESPONSABLE du non-respect du droit à la sûreté dans notre Haïti chérie ? Sénateur DELVA ou le juge? Les parlementaires ou la population? 
Avec un peu de conscience et de décence, on doit tous convenir que l’inefficacité de notre système judiciaire et l’impunité en Haïti dépendent essentiellement de nos choix à travers nos votes pour constituer ce Parlement. Dès lors, il est très compréhensible de déceler pourquoi les Ambassades des pays occidentaux mettent toujours la pression positive sur les parlementaires pour adopter certaines lois. 

Port-au-Prince, le 4 août 2019. 

                     Me. Guerby BLAISE
Doctorant finissant en Droit pénal et Procédure pénale 
À l’Université Paris Nanterre 
Avocat et Professeur à l’Université 
kronmavie@yahoo.fr

Me. Guerby BLAISE 
Avocat/ Professeur à l’Université
Doctorant en Droit pénal et Procédure pénale 
Conseiller du Premier Ministre

1 COMMENT

  1. Il faut tenir compte de toutes vos Considerations et surtout la Chute de votre papier. Tous qui ceux revent de devenir des dirigeants ont besoin d’etre des hommes. A cote’ des « analphabetes pas betes, » le deficit de Moun (executif, legislatif, judiciaire et societe cibile) pose un serieux probleme dans le pays. Vous n’etes pas un Martien, il ne fait pas de doute, vous devriez savoir, le senateur Gracia DELVA est la partie visible de l’ICEBERG au meme titre du presume’ Inculpe’ ou petrovoleur JOVENEL MOISE. Dans cet ordre d’idees, j’aurais bien voulu vous entendre dans l’AFFAIRE des MERCENAIRES. La Responsabilite’ d’un certain commissaire du gouvernement et carrieriste qui disait a’ haute et intelligible voix, « les mercenaires ne sont pas Liberab, » la Responsabilite’ d’un moso moun a’ la tete du ministere de la justice, toute la chaine penale et la societe haitienne dans son ensemble. CHALMAS!

    Je ne suis pas un Expert ou un carrieriste comne la quasi-totalite’ de ces « moun. » J’ai ete surtout forme’ pour etre un bon citoyen et d’aimer mon pays. Et avant sa mort mon papa m’avait reitere’ d’apaiser ma faim avec de la cassave et du mais moulu au jour le jour, au lieu de m’associer a’ ceux/celles qui edifient le « Shithole. » Gwoup ZEGLEN mande pou n aprann wont…

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.